Article – Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe…

les rencontres

Internet peut-il régler nos problèmes en matière de sexualité? Sans doute est-ce beaucoup espérer! Des sites à visiter… et des nuances à apporter.

Notre époque voit passer les premières générations de coquins qui parlent ouvertement de sexualité. Pourtant, malgré ce que pourraient nous laisser supposer le cinéma et la télévision, l’ignorance en la matière fait tache. À l’origine du malaise, une croyance bien ancrée: celle qui veut que le bien-être sexuel soit naturel. Faire l’amour devrait aller de soi, surtout quand la relation amoureuse se passe bien. Faux, répète depuis 20 ans le sexologue Placide Munger, car bien vivre sa sexualité demeure un long apprentissage qui exige des ajustements constants. «Les gens craignent d’afficher un problème, croyant que les autres ne le partagent pas, et préfèrent se replier sur eux-mêmes. La peur de passer pour des incompétents les maintient donc dans l’ignorance», remarque-t-il.

 

C’est pourquoi, en 1996, porté par la vague Internet, il a décidé de s’inspirer d’un site de l’Université de Columbia pour inaugurer Élysa, le tout premier site francophone sur la sexualité. Le public peut poser des questions en ligne et une équipe de sexologues se charge d’y répondre. On comptait une vingtaine de demandes par semaine lors de sa création, mais depuis deux ans, leur nombre est passé de 35 à 40 communications par jour. Virtuel, gratuit et anonyme, le Web permet de se dévoiler ou de s’informer à l’abri des regards, sans risque d’être jugé, retracé ou identifié.

 

Le sujet de préoccupation le plus fréquemment exprimé sur Élysa? Ô surprise: la normalité! Suis-je normal physiquement ? Mon comportement l’est-il ? Et celui de mon partenaire ? Chez les hommes, l’éjaculation précoce et la longueur du pénis restent les deux principales inquiétudes. Orgasme et point G demeurent celles des femmes. «Quand on se sent isolé, le simple fait de constater la quantité de questions déjà posées sur le sujet par des gens comme soi a un effet thérapeutique, explique Placide Munger. Et formuler une question le plus précisément possible permet de clarifier son propre problème.» De son côté, l’équipe d’Élysa tente d’apaiser au mieux l’anxiété exprimée et d’amener son interlocuteur à prendre conscience qu’un problème sexuel cache presque toujours un problème affectif.

 

C’est là que, pour certains sexologues, la formule atteint ses limites. Ainsi, pour Carolyne Abraham, recevoir des clients qui se sont déjà informés dans Internet facilite grandement le travail (les 25-40 ans font souvent ce premier pas spontanément). «Mais combien d’internautes n’auront pas le courage de rencontrer ensuite un spécialiste?, s’interroge-t-elle. Bien des gens cherchent la formule miracle, une solution rapide et sans douleur. Or, les réponses en ligne ne sont pas forcément suffisantes. Elles constituent un outil, pas une fin en soi.» La sexologue Gilberte Talbot renchérit: «C’est toute la société qui réclame une réponse éclair à ses problèmes. On prescrit des antidépresseurs à la tonne sans chercher à identifier la cause de la dépression. Il existe aussi une explication au mal de vivre sexuel.»

 

Mme Talbot observe qu’en matière de sexualité, l’accent est mis sur la performance plutôt que sur l’expression de soi, ce qui lui fait supposer que les problèmes sexuels sont souvent mal identifiés. Elle craint en conséquence que les questions des internautes soient mal posées. «L’aspect génital de la relation est secondaire, c’est tout notre être qui va vers l’autre dans le rapport sexuel. Miser sur la performance engendre de l’anxiété, ce qui entraîne des dysfonctionnements, mais les gens n’en sont généralement pas conscients. Ils croient sincèrement que leur problème n’est qu’une difficulté érectile ou une incapacité à atteindre l’orgasme. Or, l’origine de cette barrière ne peut être explorée qu’en consultation.» Bref, s’informer, c’est très bien, mais résoudre un trouble sexuel exige un travail personnel approfondi et plus intense.

 

RENCONTRE COQUINE

Un sites sérieux et bien construits ont retenu notre attention. Bref tour d’horizon.

educationsexuelle.com

Ce site tutoie lourdement son visiteur pour le mettre à l’aise: un sens de l’accueil un peu artificiel qui part certainement d’un bon sentiment. L’information s’avère toutefois complète et couvre du terrain: infections transmises sexuellement (ITS), agression sexuelle, rapports sexuels douloureux, dysfonction érectile, fréquence des rapports, ménopause, masturbation, sexe et grossesse. Peu de zones d’ombres dans le paysage. Des évidences dont on se passerait (par exemple: «une femme se sent piégée par une grossesse non désirée»), mais on y trouve des conseils, là encore, qui rassurent.

 

La section «Parler de sexualité avec mon partenaire», rédigée sur un ton lourd et répétitif, manque de naturel mais a tout de même le mérite d’inciter à la communication en matière de préférences sexuelles, de blocages ou de malaises.

 

Un onglet adressé aux parents et aux enseignants est particulièrement bien conçu. Parler de puberté, de sexualité, de contraception et de maladies transmises sexuellement avec les jeunes, ça s’apprend. Choisir le bon moment, répondre clairement à des questions simples au lieu d’élaborer des explications gênantes à des questions crues, identifier les thèmes à aborder, leur parler de valeurs et de repères, de droits aussi. Le site offre également une liste de questions auxquelles les parents doivent s’attendre, leur permettant ainsi de s’y préparer.