Les femmes cougars, un phénomène à la mode ?

Depuis quelques années, il semble que de plus en plus de femmes cougars choisissent un partenaire plus jeune qu’elles. Coup d’oeil sur un phénomène émergent. 

Vous avez remarqué ? On voit de plus en plus de femmes cougars se mettre en ménage avec des hommes de 10 à 15 ans leurs cadets. Pourquoi? Est-ce le hasard, la peur de vieillir, le besoin de se rassurer sur leur pouvoir de séduction, la rareté des célibataires de leur âge, le fait que les jeunes hommes soient plus attentionnés, un nouveau phénomène social ou… tout cela à la fois?

cougar

Dans le cas de Françoise, c’est le hasard qui intervient lorsqu’elle s’engage dans une relation amoureuse avec un homme de 12 ans son cadet. Cette pétulante enseignante, bourrée de charme, est aujourd’hui âgée de 52 ans. Au moment où elle rencontre Stéphane, un analyste-programmeur, elle a 40 ans et lui 28 ans. À l’époque, cette situation est plutôt rare et pas forcément bien acceptée socialement. Françoise avoue avoir parfois eu du mal à supporter le regard des autres… «Je ne comprenais pas qu’un homme puisse être avec une femme beaucoup plus jeune sans que ce soit mal vu, alors que dans le cas d’une femme «cougar», c’était inconcevable. J’avais du mal à croire qu’on puisse avoir une vision aussi étroite des choses», dit-elle.

Leur première rencontre a lieu lorsque Françoise embauche Stéphane pour travailler dans l’entreprise de logiciels éducatifs qu’elle possède à l’époque. Pendant les six années qui suivent, tous deux gardent leurs distances en raison du contexte de travail. C’est à la fermeture de l’entreprise que leur relation débute vraiment. «Dès notre premier contact, il m’a plu. Une sorte de chimie s’est tout de suite installée entre nous, un peu comme si nous nous connaissions depuis très longtemps. À l’époque, l’âge n’était pas un facteur important pour moi. De toute façon, lorsque nous avons commencé à sortir ensemble, je n’imaginais pas que cette relation évoluerait vers des rapports à long terme. Je me disais qu’il était trop jeune, que ça ne durerait pas; je prenais donc les choses avec une certaine légèreté. Mais quand je me suis rendu compte que notre relation n’était pas un cadeau temporaire et que la différence d’âge ne nous protégeait pas, je me suis sentie beaucoup plus vulnérable», raconte-t-elle. Après une période d’hésitation, Françoise prend finalement la décision d’écouter son coeur et de s’engager à fond dans cette relation. «Aujourd’hui, avec le recul, je suis persuadée que si je ne l’avais pas fait, pour toutes sortes de raisons, sociales ou autres, j’aurais sans doute raté les 12 plus belles années de ma vie», constate-t-elle.

Du côté des «nouvelles cougar»

Pour Carole, une coiffeuse européenne de 40 ans, divorcée et sans enfants, il s’agit plutôt d’un choix planifié. Elle désirait refaire sa vie avec un homme plus jeune qu’elle et concentrait ses recherches dans cette direction. Il y a deux ans, après s’être séparée de son mari, elle rencontre Michel, un frigoriste de 28 ans. Tous deux habitent ensemble depuis quelques mois. Avec son allure à la Meg Ryan, cette petite blonde rigolote avoue sans complexes: «Je n’aime pas l’idée que je vais vieillir un jour. J’ai donc du mal à accepter chez les autres ce que j’accepte difficilement chez moi. Avec mon mari, c’était différent. Nous étions ensemble depuis 17 ans. Je n’avais donc pas ce problème, puisque nous nous sommes mariés très jeunes et que nous avons vieilli ensemble. Je m’étais habituée à lui et les changements physiologiques se sont faits progressivement, sans que nous nous en apercevions vraiment.» Ce qui rend aux yeux de Carole les hommes jeunes plus attirants, c’est leur fraîcheur, leur spontanéité. «Je trouve que les hommes de mon âge sont souvent blasés ou frustrés de leurs relations précédentes. Ce que j’apprécie chez Michel, c’est ce regard rempli de désir qu’il porte sur la vie. Tout est nouveau pour lui et il est plein de projets. De plus, être avec quelqu’un de plus jeune me fait me sentir jeune», précise-t-elle.

Estelle aussi a 40 ans, mais son histoire est un peu différente. Quand elle fait la rencontre de Mathieu un site de rencontre cougar, cette dynamique femme cougar au foyer, mère de deux enfants (7 et 12 ans), est en instance de séparation. À cette époque, elle n’a pas du tout l’intention de se recaser rapidement et préfère plutôt se lier d’amitié avec de nouvelles personnes par l’intermédiaire d’Internet. Mathieu l’aperçoit pour la première fois à l’occasion d’un GT, ces rencontres collectives pour adeptes des chats, et il «flashe» immédiatement sur elle. En apprenant qu’elle a 38 ans, il préfère lui mentir sur son âge pendant quelques mois, de peur qu’elle refuse de le revoir. Il dit donc avoir 30 ans alors qu’en réalité il en a 25. «Avant de le rencontrer, je n’étais pas très à l’aise avec l’idée de sortir avec un homme plus jeune que moi, raconte Estelle. Mais je fais plus jeune que mon âge, et Mathieu fait plus vieux. Et puis il a déjà une fillette de 4 ans, alors la différence ne se voyait pas tellement. Cependant, si j’avais su dès le départ qu’il y avait 14 ans d’écart entre nous, je l’aurais envoyé promener! J’étais tellement surprise lorsque j’ai appris son âge que je lui ai demandé ses cartes pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une blague! Malgré cela, j’ai décidé de poursuivre la relation: ce que nous avions vécu ensemble depuis le début me semblait plus important que cette question d’âge.»

Du côté des gars

Stéphane, Michel et Mathieu disent tous trois apprécier la maturité qu’ils trouvent chez leur compagne. «Sortir avec une femme cougar me donne l’impression d’avoir plus de maturité et me fait me sentir bien dans ma peau. C’est un amour vrai, et je n’ai pas connu ça avec des filles de mon âge. On dirait que lorsqu’on est plus jeune, les sentiments sont plus légers», affirme Michel. En revanche, il trouve plus difficile de composer avec les divergences de points de vue qui surgissent parfois entre sa compagne et lui: «Carole voit les choses avec son expérience de la vie et, souvent, elle va tenter de freiner mes élans. Mais en même temps, ça m’oblige à évoluer plus rapidement.»

Mathieu trouve quant à lui que les femmes cougars sont mieux dans leur peau et plus épanouies sexuellement: «Elles savent beaucoup mieux ce qu’elles veulent.» Il avoue cependant qu’une telle assurance peut parfois être déconcertante. «Quand nous discutons, souvent, Estelle a raison. C’est normal, elle a plus de vécu; 14 ans de plus, ça paraît. Et c’est un peu dur pour mon orgueil. Il y a même eu une période où j’avais moins confiance en moi parce que je la mettais sur un piédestal», raconte-t-il. Contrairement aux autres, Stéphane ne semble pas avoir connu ce genre de problèmes. Pour lui, la difficulté se situe plus sur le plan de la carrière «parce qu’avec nos 15 ans d’écart, nous ne sommes pas au même niveau au même moment».

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Les inconvénients de la différence d’âge

Pour Françoise, les aspects négatifs de l’écart d’âge risquent surtout de se manifester au moment où elle cessera de travailler. «Je suis à mon compte et si je veux une retraite qui me permette un train de vie acceptable, je dois y penser maintenant. Stéphane aussi est travailleur autonome, mais pour lui, tout ça est encore bien loin. C’est donc surtout côté disponibilité que le problème se pose. Quand je prendrai ma retraite, j’aurai beaucoup de temps libre alors que lui sera au travail. Les grandes étapes de la vie, comme celle-là, sont des moments qui peuvent faire naître des tensions dans un couple», explique-t-elle.

Bien que la jeunesse de Michel semble avoir beaucoup de bons côtés pour Carole, elle présente aussi quelques inconvénients. Lesquels? La réponse fuse, spontanément: «Les copains. Michel est facilement influencé par les autres. Qu’il y ait toujours un copain qui vienne déranger notre relation, c’est vraiment quelque chose qui m’énerve.» Pour sa part, Estelle considère qu’une relation avec un homme plus jeune n’est pas tellement différente de ce qu’elle a pu vivre avec un homme de son âge. «Les problèmes sont autres, mais ils existent quand même! Dans certaines situations, par exemple, Mathieu a parfois des réactions un peu puériles…»

La hantise de la femme plus jeune

«Des craintes qu’il parte un beau matin avec une petite jeune? Pas pour l’instant, mais peut-être dans 10 ans!», lance Carole. L’idée que Michel puisse un jour vouloir un enfant est ce qui lui fait le plus peur. Cela pourrait en effet constituer une vraie raison de la quitter pour une femme plus jeune, croit-elle. Estelle, de son côté, avoue y penser de temps à autre, mais déclare ne pas être angoissée à cette idée. «Sans me mettre la tête dans le sable, je prends cette relation un mois à la fois. Après avoir vécu 17 ans avec le même homme, les histoires d’amour à la vie à la mort, j’y crois beaucoup moins.»

Françoise, elle, affiche beaucoup de sérénité face à cette question. «Parfois, j’imagine que Stéphane pourrait rencontrer une femme plus jeune, mais ça ne m’affecte pas vraiment. Je ne crois pas qu’il soit si simple de trouver quelqu’un avec qui l’on puisse bâtir une relation aussi riche que la nôtre. Je pense que le hasard n’est pas généreux au point d’offrir une telle chance une deuxième fois dans la vie.»

Le point de vue sociologique

La sociologue Suzanne Boyer est d’avis que les hommes et les femmes ne choisissent pas leur partenaire en fonction de son âge, mais plutôt en fonction de ce qui leur est offert sur le «marché amoureux». Les statistiques qu’elle a recueillies dans le cadre de sa maîtrise, L’offre et la demande en regard de l’âge: la situation des femmes au département de sociologie de l’Université de Montréal, révèlent qu’à 32 ans la femme commence à être moins sollicitée sur le marché amoureux que l’homme du même âge. «Cela correspond à un renversement de l’offre et de la demande, et signifie qu’à 32 ans la femme commence à être considérée comme « vieillissante ».» Toujours selon ces statistiques, l’homme de 27 ans considère la femme de 22 ans comme presque trop jeune pour lui, alors que l’homme de 50 ans considère celle de 45 ans comme presque trop vieille. Pourtant, dans les deux cas, la femme a cinq ans de moins que l’homme.

Selon la sociologue, cela expliquerait que les femmes cougars dans la trentaine se tournent vers des partenaires plus jeunes. Leur premier choix se porterait plutôt vers un homme de leur âge; cependant, comme ce dernier recherche une compagne plus jeune, elles doivent être moins sélectives quant à l’âge du partenaire convoité. Quant aux jeunes hommes dans la vingtaine, ils ne se tournent pas forcément vers des femmes plus âgées. S’ils le font, c’est surtout parce que le marché les y pousse, car d’après la sociologue, leur premier choix se porterait plutôt vers une compagne de leur âge ou un peu plus jeune.

 Effervescence du marché amoureux

Le phénomène, explique Suzanne Boyer, est relié à l’hyperactivité qui s’est emparée du marché amoureux depuis quelques années. «À la fin des années 60, les choses ont commencé à bouger, mais les effets ne se sont pas fait sentir tout de suite», dit-elle. À cette époque, la loi sur le divorce a été amendée, la contraception est arrivée, la morale s’est assouplie et les femmes se sont mises à gagner de l’argent. En conséquence, le nombre des divorces a augmenté et plusieurs personnes sont retournées sur le marché amoureux, le rendant plus actif. Auparavant, les gens se mariaient… pour longtemps. Le marché amoureux était donc composé de gens de 15 à 30 ans, les autres étant pour la plupart «casés». Les seuls qui se retrouvaient sur le marché après 30 ans étaient généralement veufs. «Or actuellement, les hommes divorcés ou séparés choisissent une nouvelle conjointe beaucoup plus jeune qu’eux. Le divorcé ne refait pas sa vie avec la compagne de classe de son ex-femme qui lui plaisait bien quand il avait 20 ans et qui est libre maintenant. Non, il choisit une partenaire beaucoup plus jeune. Pourquoi? Tout simplement parce que le marché le permet. Et en ce moment, celui qui est en position de force, c’est l’homme de plus de 32 ans», affirme Suzanne Boyer.

Réaction en chaîne

Ce fait a des répercussions sur tous les acteurs du marché amoureux. «La principale conséquence est qu’à l’avenir le nombre de femmes abandonnées par leur conjoint va augmenter, alors que l’âge moyen de la femme délaissée va baisser. Et puis, cela crée une concurrence déloyale pour les hommes jeunes, car leurs aînés convoitent les femmes qui devraient leur être destinées. Et ces hommes de plus de 32 ans ont davantage d’atouts dans leur jeu, par exemple l’expérience, la position sociale, etc.», remarque Mme Boyer.

Pour la sociologue, le phénomène des couples formés par une femme cougar d’une cinquantaine d’années et d’un homme beaucoup plus jeune est et restera marginal. En revanche, nous verrons probablement de plus en plus, au cours des années à venir, de couples formés d’une femme cougar dans la trentaine et d’un homme dans la vingtaine. «Mais, selon moi, cela demeure des unions temporaires contractées par défaut et qui risquent de se solder par une séparation quand l’homme atteindra la quarantaine et qu’il préférera se tourner vers une femme plus jeune que lui», conclut-elle.

Et les enfants dans tout ça?

S’adapter au nouveau conjoint de maman n’est jamais chose facile pour les enfants. Mais qu’en est-il lorsque l’âge de ce nouveau compagnon est à mi-chemin entre le leur et celui de leur mère? «Tout dépend de l’âge des enfants et du climat qui règne entre les ex-conjoints», explique Gilles Cloutier, psychologue en cabinet privé.

S’il s’agit d’enfants de 4 à 11 ans:

• «La situation peut être vécue difficilement parce que l’image paternelle et les attentes de l’enfant face au rôle du père risquent d’être perturbées par celui qui prendra sa place. À cause de l’écart d’âge, le nouveau venu ne pourra pas représenter une figure d’autorité parentale pour l’enfant.»

S’il s’agit d’adolescents:

• «Il est possible que la jeune fille, si elle est attachée à son père, fasse preuve d’hostilité. En revanche, si elle considère son père comme un indésirable, elle risque de s’intéresser à ce nouvel homme et de devenir une rivale pour sa mère.»

• «Le garçon peut faire preuve d’un comportement amical s’il existe des affinités entre lui et le nouveau venu. Cela ne signifie pas pour autant qu’il acceptera l’autorité parentale du compagnon de sa mère. Si celui-ci est intelligent et lui plaît, l’adolescent pourra alors nouer une complicité avec lui et le prendre pour modèle.»

«Lorsque le nouveau partenaire n’a pas d’enfant et n’envisage pas en avoir, il peut naître une rivalité entre lui et les enfants concernant le temps que sa compagne passe avec chacun.»

En fait, poursuit M. Cloutier, il faut d’abord que l’enfant fasse le deuil de la séparation et cela peut prendre deux ou trois ans. L’enfant doit aussi sentir que le parent «remplacé» lui donne la permission d’accepter l’autorité du nouveau venu. Sinon, l’enfant se trouvera en conflit de loyauté. C’est seulement une fois ces deux conditions remplies qu’un rapport affectif pourra se construire entre l’enfant et le nouveau compagnon de sa mère. La situation sera facilitée si le nouveau venu a des points communs avec le père de l’enfant. «Plus la personnalité du nouveau compagnon se rapproche de celle du père par ses bons aspects, moins il y aura de problèmes et plus l’enfant l’acceptera facilement», conclut le psychologue.