Cougar : Aimer un homme plus jeune

cougar femme

Elles sont amoureuses, elles sont heureuses, elles sont cougars. Elles vivent avec un homme plus jeune. Pour le meilleur…

La psychanalyste Lou Andreas-Salomé, une amie proche de Freud, qui est décrite par l’auteure Françoise Giroux comme l’une des premières femmes libres de l’histoire, était plus âgée que la plupart de ses amants. À 36 ans, elle était la maîtresse du poète Rainer Maria Rilke, alors âgé de 21 ans. En rompant avec lui, à l’aube de ses 40 ans, elle lui écrivait: «En dépit de notre différence d’âge, je n’ai cessé d’avoir à grandir et à grandir encore, jusqu’à retrouver ma jeunesse…» De tout temps, les femmes impliquées dans une relation amoureuse avec un homme plus jeune fascinent. Pourtant, elles sont plus nombreuses que jamais.

Chaque minute compte!

Au printemps dernier, Louise Paquin (Loulou) a atteint sa «Liberté 55». Son conjoint, Pierre Careau (Pete), a 37 ans. Loin de l’effrayer, cette différence l’amuse. «Je n’ai jamais eu de bugavec l’âge. Je suis jeune de caractère, je suis une cougar enjouée et je ne me sens pas vieille. Pour moi, avancer en âge n’a rien d’effrayant. Quand j’entends les théories qui prétendent que je suis avec un gars plus jeune par peur de vieillir, ça me fait rire. Si c’est le cas, je m’en fous! Vieillir, puisqu’on en parle, m’a justement appris à profiter de chaque instant. Je n’ai pas une minute à perdre. Je fais ce qui me tente!»

Ça fait 11 ans que Loulou est au bras de son Pete, un homme qu’elle a rencontré chez sa sœur Carmen. Il s’est d’abord intéressé à Natasha, la fille de Louise, avant de découvrir la mère. Un café, une sortie au cinéma, et hop, ils se sont sauté dessus! Dès la première année, ils emménageaient ensemble. «J’ai été mariée pendant 19 ans. J’ai une fille de 35 ans et un gendre du même âge que mon copain. Je suis deux fois grand-mère. Je comprends que ces chiffres fassent sursauter, mais moi, je ne suis pas nerveuse. Je suis amoureuse! Et j’ai cette conscience qu’on peut tous crever demain. Alors, aujourd’hui, il faut vivre!»

Mais justement, se demandent secrètement ceux qui vivent une situation plus traditionnelle, que recherche ce jeune homme dans les bras de celle qui pourrait être sa mère? Et cette femme dans les bras de celui qui pourrait être son fils? C’est avec prudence que les analystes du couple posent un diagnostic sur les unions où la femme est la plus âgée. «Il existe peut-être autant de couples que de raisons d’être ensemble, note le psychologue Serge Tremblay, qui pratique la thérapie de couple depuis plus de 20 ans. Mais certaines données semblent constantes, notamment sur le plan psychologique. Pour la femme cougar, il s’agit souvent d’une véritable cure de rajeunissement, car les intérêts, les activités et la manière de voir de son partenaire diffèrent complètement des valeurs véhiculées par les gens de son âge. Et si l’image surprend davantage quand c’est la femme du couple qui est plus âgée, plutôt que l’homme, c’est parce qu’on y est simplement moins habitués.»

L’amour qui fait rajeunir les cougars

Louise confirme que Pete modifie sa manière de voir les choses. «Je suis d’une génération axée sur les apparences, pour qui le qu’en-dira-t-on prend beaucoup de place. Pete m’apprend à lâcher prise et à vivre pour moi. C’est une belle leçon de simplicité. De son côté, il profite de mon ouverture d’esprit et de mon expérience de la vie. Pour le reste, j’ai parfois l’impression qu’il est plus vieux que moi. Il a un côté très pépère, avec son journal, les promenades du chien, ses sorties au café Second Cup et ses petites manies. L’âge, c’est bien plus qu’un chiffre.» Pendant qu’elle parle de lui, il se pointe à la terrasse où nous sommes installées, flanqué du chien en question, Maggie, leur labrador. Pete jette à sa Loulou le regard des amoureux, celui des premiers jours. «Il est toujours comme ça. Il me trouve belle et me le dit sans cesse. À la maison, il est hors de question que je porte des bretelles spaghettis, car je me ferais attaquer!» lance la belle Louise en rougissant. «Ma blonde est une femme cougar bien dans sa peau, affirme Pete. Ça la rend très attirante.»

«Il y a certes un challenge sexuel pour ce type de couple, confirme Serge Tremblay. La femme de 50 ans n’est pas toujours prête à répondre à toutes les ardeurs de son jeune amant, mais si la communication est bonne, le couple peut arriver à se rejoindre. Le désir sexuel de l’homme peut devenir agaçant pour une femme dans la cinquantaine. Pas nécessairement, mais potentiellement. Il reste que c’est le fun, pour la femme, d’être ardemment désirée. Et croire qu’un homme plus jeune trouve difficile d’aimer un corps qui n’a plus 20 ans, c’est oublier la force des fantasmes sexuels. Or, l’image de la femme mûre est souvent une réponse aux fantasmes masculins. Et puis, une belle femme conserve sa beauté, quel que soit son âge. Cette beauté peut très bien être saisie par un homme plus jeune. Je crois toutefois que la vraie bataille concerne la valorisation. Les femmes qui évoluent dans ce type de relation le disent: elle se sentent désirées, écoutées, entendues et reconnues.» Et, selon Pete, c’est sans effort. «Mon seul regret, c’est de ne pas avoir connu Louise plus tôt. Le temps vécu sans elle est du temps où elle m’a manqué sans le savoir.»

une femme cougar

50 ans: cougar et fiers de l’être!

Louise Ianniroberto vit en couple avec Jasmin Lévesque depuis deux ans. Pas loin de 30 ans les séparent. À 52 ans, elle ne mâche pas ses mots quand vient le temps de parler de l’image que lui renvoie la société d’une femme vieillissante. «On dirait que, socialement, dès qu’une femme atteint la cinquantaine, elle n’est plus un objet sexuel et devient out ou cougar! Non seulement on ne la regarde plus, mais on ne l’écoute plus. Une drôle d’équation s’opère: tu es jeune, tu es performante, tu es intelligente; tu es vieille, tu es dépassée, on ne fait plus attention à ce que tu dis, à ce que tu penses, à ce que tu sais. Cette façon de voir me met parfois en colère.»

Louise Ianni, comme l’appelle affectueusement son entourage, se reconnaît volontiers provocatrice et combative. «À 35 ans, j’arrivais au travail avec des collants aux motifs psychédéliques dans le seul but de provoquer. Actuellement, je me bats pour que les gens comprennent que vieillir, ce n’est pas mourir! Avoir un copain de 23 ans fait peut-être partie de cette lutte. Mais Jasmin n’est pas une arme qu’on brandit. Il est mon copain, et je l’aime.»

Louise l’avoue pourtant, les débuts étaient risqués. «La première fois que j’ai fait l’amour avec lui, je me suis dit: il est majeur, il veut, je veux, allons-y! J’appréhendais le lendemain, mais j’étais prête à assumer le réveil, le départ précipité, puis le téléphone qui reste muet. Jasmin est pourtant revenu le lendemain, puis le jour suivant et, au bout de trois soirs, il a commencé à apporter un ou deux vêtements de rechange. Il s’est doucement installé. On ne s’est plus jamais quittés. Je ne pensais jamais que cela deviendrait une histoire d’amour.»

Avec Jasmin, Louise Ianni a redécouvert l’action. Après avoir élevé trois enfants, aujourd’hui tous plus âgés que son conjoint, elle se lance maintenant avec lui dans les randonnées, le kayak, le rafting, le vélo et les voyages sac au dos. Récemment, ils ont parcouru ensemble le Costa Rica. «J’ai deux mariages, trois enfants et 25 ans de vie de banlieue derrière moi, je ne demande donc rien de cela à Jasmin, puisque je l’ai déjà vécu. De son côté, il n’est pas rendu là. Donc, nous nous rejoignons. Notre seul critère pour être ensemble, c’est d’être bien. Mais Jasmin va éventuellement avoir besoin d’autre chose, c’est légitime. Et moi, physiquement, je ne pourrai plus suivre! Je ne vais pas grimper des montagnes jusqu’à 80 ans! Présentement, Jasmin m’incite à demeurer active, et ça me plaît. Si, un bon matin, l’envie me prend de vouloir ratatiner tranquille dans ma chaise berçante, ce sera la fin de notre couple. C’est ce que je réponds aux gens qui croient que mon copain, comme il est plus jeune que moi, finira bien par me quitter.»

Jeunes hommes & Cougars: Des couples comme les autres?

«Le désir éventuel de l’homme d’avoir des enfants, de fonder un foyer, demeure une possibilité, dit Serge Tremblay. Soit il y a alors rupture du couple, soit il y a deuil de la paternité. Pour certains hommes, cela devient un choix déchirant auquel ils font parfois face après plusieurs années de vie commune.» Jasmin Lévesque a déjà réfléchi à la question. «Je n’ai pas d’horloge biologique pour orienter mes décisions. La maturité de Louise fait partie des raisons pour lesquelles je l’aime. Dans ce contexte, si je peux avoir 5, 10 ou 20 ans de bonheur avec elle, je ne vois pas pourquoi m’en priver. Entre Louise et moi, ça se passe comme dans un couple dans la trentaine sans enfant, sauf que personne ne nous voit de cette façon.» Michel Lemieux, thérapeute conjugal depuis 30 ans, a vu défiler assez de couples de deux générations dans son bureau pour conclure qu’ils rencontrent des problèmes comparables à ceux des autres couples. «Au début, chacun fait fi de ses différences pour se rapprocher de l’autre. Puis, avec le temps, le naturel reprend le dessus. Il faut alors que les différences entre les amoureux ne soient jamais plus grandes que leur capacité d’adaptation. Tant que le couple trouve un terrain d’entente pour pallier les intérêts divergents de chacun, par exemple en acceptant d’avoir des activités communes et d’autres distinctes, il n’y a pas de problème. Le jour où l’adaptation coûte trop cher, émotivement ou psychologiquement, l’éloignement va prendre de la place, et ce sera le début de la fin. Évidemment, c’est plus facile à envisager qu’à traverser!»

À côté des grands enjeux de la vie, existent aussi les petits désagréments du quotidien. Exemple: ce garçon de café qui recommande à Jasmin un plat du menu qui plaira sûrement «à sa mère». «Les relations où l’écart d’âge est très grand sont plus difficiles à vivre à cause du regard des autres, note Michel Lemieux. C’est un poids considérable qui s’ajoute aux obstacles courants de la vie en couple.» «Le regard des étrangers, on peut vivre avec, dit Louise Ianni, mais il y a aussi ceux qu’on aime! Par exemple, mes enfants sont de la même génération que mon copain. Ils savent très bien qu’à 23 ans, Jasmin ne fait pas l’amour qu’une fois par mois. C’est sûrement difficile, pour eux, d’imaginer leur mère dans un tel contexte. Mais je crois que tous les trois ont la maturité d’accepter ma vie.»

Parlant d’obstacles, Louise Ianni en souligne un qui relève du tabou. «Dans la tête des autres, note-t-elle, Jasmin est un plus pour moi. On se dit: tiens, la chanceuse, elle a pogné un p’tit jeune. Mais plusieurs comprennent mal ce que lui fait avec « une vieille ». C’est quelque chose d’incompréhensible pour bien des gens.» Louise Paquin, elle, ignore ce genre de jugement. «Mes sœurs font parfois de petites allusions qui m’intimident, mais on rit! Quant aux étrangers, ce qu’ils pensent ne m’atteint pas.»

Une relation valorisante?

Le psychologue Serge Tremblay remarque qu’il arrive qu’un homme plus jeune soit attiré par une femme qui le materne. Pas au sens où elle lui prépare ses repas, l’habille et lave son linge, mais au sens où il entretient une peur inconsciente de la vie et qu’elle le rassure. Cette crainte peut être financière, professionnelle ou psychologique, mais elle est souvent inconsciente. Le conjoint plus jeune peut avoir un caractère affirmé, mais la présence d’une conjointe plus âgée lui apporte un grand sentiment de sécurité. Il a l’impression qu’il peut se permettre des erreurs, ou une certaine errance, en sachant son amoureuse capable de lui fournir un filet. Cette situation se vit souvent sous le signe de l’humour. Dans le privé, la femme va aider son partenaire à mieux comprendre la vie, et va le faire avancer du simple fait de partager avec lui son expérience. Cela la valorise. Avec un sourire en coin, c’est Louise Paquin qui donne le ton à la conclusion. «J’ai bien hâte de lire ce que pensent les psy de ce genre de relations. Mais, au fond, si on se met à analyser les relations amoureuses sous toutes les coutures, je suggère de commencer par celle que j’ai vécue avec mon ancien mari, un homme de mon âge, dans un bungalow avec piscine creusée…»

La fin de l’histoire

Mado et Luc ont vibré ensemble pendant 16 ans. Une fois le cap de la soixantaine franchi, Mado a commencé à sentir qu’elle ne pouvait plus suivre. «Je ralentissais Luc dans ses élans. Les sorties, les soupers qui durent toute la nuit , les randonnées de ski… Le lendemain, je n’étais plus capable de suivre! Dans notre vie intime, nous avions toujours été au même diapason, mais sur ce plan aussi, j’avais la soudaine impression de le ralentir. Et puis, je voulais lui donner la chance de bâtir sa propre famille. Il vivait dans la position d’un papy de six petits-enfants et il n’avait même pas 40 ans! Nous nous voyons encore, car nous sentons que nos vies sont unies. Mais doucement, nous apprivoisons le quotidien l’un sans l’autre. C’est dans le respect mutuel que nous avons décidé de rompre. C’est difficile pour tous les deux. Mais il faut avoir la dignité de respecter ses capacités, une fois le temps venu. J’ai 61 ans et je n’ai aucun regret d’avoir été une cougar»